Mark
Dion
The Dark Museum , 2011
The Dark Museum , 2011

Mark Dion
The Dark Museum , 2011
Cabane en bois, tapis, fer et vitrine Komodo
300 x 440 x 420 cm
Pièce unique

Mark Dion
The Dark Museum , 2011
Détail extérieur

Mark Dion
The Dark Museum , 2011
Detail Komodo

Mark Dion
The Dark Museum , 2011
Detail Komodo

Mark Dion
The Dark Museum , 2011
Vue depuis l'extérieur

Mark Dion
The Dark Museum , 2011
Detail Komodo
136 x 266 x 100 cm

Mark Dion
The Dark Museum , 2011
Vue depuis l'extérieur

Mark Dion
The Dark Museum , 2011
Detail Komodo

Mark Dion
The Dark Museum , 2011
Detail Komodo

Mark Dion
The Dark Museum , 2011
Vue Komodo depuis l'intérieur

Mark Dion
The Dark Museum , 2011
Vue de l'exposition personnelle de Mark Dion aux Beaux arts de Paris, 2016

1/11

     Mark Dion a choisi de réunir un ensemble de réalisations au sein d'une construction qui s'apparente à une cabane de chasseur, ou à une maisonnette campagnarde. Par ses matériaux et sa configuration faussement stéréotypée - avec le trophée qui en orne le pignon -, cette architecture semble tout droit sortie de contes pour enfants. Se désignant comme forme close et lieu d'exposition, elle met en lumière les conditions de présentation offertes par les foires d'art contemporain, avec ses "box" partiellement ouverts. Bref, ce Dark Museum est ici ostensiblement déplacé et se veut délibérément un envers du white cube.

A l'intérieur, le décor est celui d'un musée d'un autre âge. Référant tout ensemble au musée et au cabinet de curiosités, les vitrines et les trophées se montrent aussi comme des dispositifs ostensibles de la mise en vue. L'effet général provoque une sensation d'inconfort et de trouble, car Mark Dion recourt au grotesque, entendu à la fois au sens commun de bizarrerie et dans un sens plus littéraire, de mélange des espèces et des genres, dépassant les catégories établies.

Placé sur un lit d'objets de pacotille, le squelette d'un dragon de Komodo se présente lui aussi comme une sorte de monstre, quoique d'un genre différent. Aujourd'hui préservée, cette espèce de grand varan, dont l'origine remonte à 140 millions d'années, est aussi l'une des plus menacées. Ce prédateur à la morphologie hors normes incarne donc mieux que tout autre la fragilité du monde vivant ; les artefacts qui l'entourent, eux, sont les pauvres signes de la production humaine, de ses usages et comportements, comme de sa superficialité. L'installation est à interpréter comme la parabole de notre relation au vivant, caractérisée par l'appât de profits immédiats et les politiques à court terme.

Les trophées montrant des cerfs (Trophy) recouverts de goudron marquent semblablement les effets de nos attitudes contradictoires, entre destruction et préservation. A l'instar des dragons - et même si eux nous semblent familiers -, les cerfs sont des animaux dont le devenir est incertain. Chassés, parqués ou déplacés, ils sont en survie, étant d'ores et déjà des fossiles modernes. Venant sinistrement renforcer la réification des cervidés, le goudron renvoie à deux ères temporelles, l'une préhistorique, l'autre actuelle, où politique et économie sont gouvernées par le prix du baril de pétrole.

Mêlant la fiction et le factuel, le bizarre et l'ordinaire, le monstre et la merveille, le monde des objets et celui du vivant, le passé et le présent, Dark Museum reflète le brouillage des genres et des temporalités qui caractérise notre époque. Sa noirceur semble entériner la perte définitive de toute certitude et de toute utopie.

Bref, si Mark Dion nous propose de penser l'héritage de la modernité, ce n'est pas en revisitant ses formes. Loin de tout manichéisme et outrepassant toute inscription stylistique, jouant du hors-lieu, ses oeuvres tirent de leur apparent anachronisme leur force et leur pertinence même.


Natacha Pugnet (2011)